Démarche

Depuis deux décennies, mon travail s’apparente à la fois à celui de l’archéologue, de l’historien, de l’archiviste et du collectionneur, c’est-à-dire que je rassemble, scrute et collectionne des centaines d’informations sur le thème de la ville. Mes sujets de réflexions portent avant tout sur l’identité, sur la mémoire collective, les signes culturels, le patrimoine architectural, la structure du paysage urbain, sur le développement et l’évolution du territoire ainsi que sur la consommation quotidienne. Les recherches sur l’évolution de la ville du sociologue Robert Erza Park constituent ma principale source de référence (The City, Chicago, 1920), de laquelle je tire cette citation éloquente : (la ville) est une organisation immense née des besoins des habitants (…).

Or, depuis 2021, mon travail s’est transformé et se déploie maintenant sur un horizon plus vaste. En témoignent, mes travaux de recherche et de création réalisés dans le cadre de ma résidence d’artiste au Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul (2022). De la ville marchée et expérimentée dans laquelle je me faufile régulièrement, j’explore désormais d’une manière sensible, des territoires qui englobent également des espaces ruraux, naturels ou sauvages, des endroits qui échappent encore à la logique urbaine. J’expérimente d’autres manières de regarder le territoire, notamment de très près, au ras du sol, et à vol d’oiseau (vol en avion 2017 et en hélicoptère 2022). Ainsi, mon processus créatif se renouvelle, tant dans mon inspiration, dans mes étapes de recherches et d’expérimentations que dans mon emploi de différents types de médiums.  

De plus, le voyage (promenades, excursions, randonnées et circuits) fait désormais partie de ma démarche. Lors de mes sorties, si un site m’interpelle particulièrement, je procède à la création d’installations artistiques éphémères in situ, y intégrant, par exemple, une mise en scène de maisons miniatures de 2,5 cm x 2,5 cm, qu’ensuite je photographierai et filmerai. La mise en scène in situ sur des sites naturels est le moyen que j’utilise alors pour exprimer la beauté et la fragilité de la nature et pour partager avec le spectateur le sentiment possible de la perte tragique par l’irréversibilité qu’induit chaque espace conquis par un être humain. Je tente de traduire un seuil, une ligne, l’instant même où un site naturel vierge inoccupé bascule, change de statut, pour devenir occupé, puis transformé par l’homme.

La photographie et la vidéo immortalisent d’une manière créative en œuvres témoins chaque installation que je réalise. L’emploie de la macrophotographie et l’usage de différentes perspectives, le plan fixe et le cadrage serré, créent un effet de surprise. Les maisons miniatures rendues à une échelle plus grande qu’elles ne le sont en réalité créent une fiction évoquant l’idée d’un nouveau monde dans lequel la nature exubérante et forte domine les humains (symbolisés par les maisons miniatures). Ce travail crée une tension saisissante entre le réel et l’imaginaire.

Si mes œuvres photographiques et vidéos sont empreintes de la poésie et de la beauté de la nature, par opposition, elles dénoncent la progression de la présence humaine et du développement effréné et anarchique du bâti. Par mon regard personnel et engagé, je contrains le public à se questionner sur sa propre relation au territoire, sur sa responsabilité écologique et sociale ainsi que sur son rôle d’acteur et de citoyen.