L’ordre que la ville exhibe nous rend-il aveugle à percevoir son langage et à voir qui nous sommes ? Mon projet Planer au-dessus de l’effet de continuité aborde cette question et propose de jeter un œil sur l’apparence de la ville à travers le prisme de sa morphologie, de son tracé physique et de son tissu viaire. De la ville quadrillée à la ville organique, les villes sont à l’image des gens qui l’habitent (Park). Ce sont les citoyens qui façonnent la ville jour après jour de leurs gestes quotidiens.
Le projet Plan Ligne Point est le titre inversé du livre de Wassily Kandinsky Point Ligne Plan (1926), un ouvrage qui expose les bases d’une grammaire des forces primaires du point, de la ligne et du plan originel qui régissent dans un tableau.
Martin Labrie, commissaire | Et si la ville était une œuvre d’art collective? Et si les rues étaient des traits de crayon et les immeubles, des éléments formels d’un tableau? Quelle composition nous serait donnée à regarder? C’est ainsi que Chantal Lagacé relate l’impression que lui a laissée un vol en avion au-dessus de la ville. Les parcelles géométriques, en milieu rural et urbain, les voies de circulation, les immeubles et les maisons, tous ces éléments qui constituent notre environnement deviennent autant de plans, de lignes et de points constitutifs d’une toile imaginaire. D’ailleurs, le titre de l’œuvre renvoie aux recherches sur les forces et les tensions dans la composition d’un tableau effectuées par Wassily Kandinsky et publiées sous le titre Point Ligne Plan en 1926. Qui plus est, la ville est un système vivant qui porte en lui des rythmes, des forces et des tensions.
Si Chantal Lagacé nous invite à regarder la trame urbaine et à nous laisser séduire par la composition picturale de son organisation, l’artiste rend également compte de la nature vivante et expressive d’un milieu de vie. L’intervention de l’artiste sur la carte est le reflet de l’intervention de tout un chacun sur « sa » ville. L’œuvre présente le projet urbanistique, ordonné et fonctionnel (les clous et les cordes tracent des lotissements), mais aussi des objets recueillis lors de promenades et qui sont autant de traces de l’activité humaine. Du concept d’origine, souvent idéalisé, la ville devient ce que nous en faisons.
Crédit photos : François Lafrance 2021